Suite à votre (première) séance de sport, les courbatures sont belles et bien présentes et chaque déplacement est une véritable torture. Qui n’a pas lutté le matin pour sortir de son lit et avoir expérimenté diverses stratégies pour se mouvoir et pouvoir se mettre debout sans avoir mal ! Nous savons par expérience que ce n'est qu'une question de temps avant qu'elles ne disparaissent, mais comment surviennent-elles ? Doit-on réellement s’en préoccuper ? Peut-on les soulager, les atténuer ? Nous vous proposons de faire un tour d'horizon de ces quelques questions.
D’où viennent les courbatures ?
Les courbatures sont les douleurs musculaires les plus classiques du sportif mais également les plus méconnues. Baptisées "Delayed Onset Muscle Soreness" (DOMS), elles se définissent par des douleurs musculaires retardées (entre 12 et 48 heures) suite à un effort intense ou inhabituel (après une période d’arrêt pour convalescence ou après les vacances ou encore lors d’augmentation de la charge d’entraînement). A ces dernières sont généralement imputées une baisse de la force musculaire, une sensation de raideur, voir une baisse des qualités d’équilibre.
Le muscle, peu adapté à une activité inaccoutumée, se montre assez réticent et ceci se traduit par la rupture d’un certain nombre de ses fibres musculaires sous les tensions engendrées par l’effort, provoquant ainsi des microlésions. Mais paradoxalement, ce ne sont pas ces lésions en elles-mêmes qui entraînent les douleurs (puisqu’elles surviennent généralement le lendemain de l’effort), maisle processus de réparation des fibres musculaires.
En effet, suite à l’effort physique, l’organisme va déclencher tout un processus de réactions (inflammatoires) qui ont pour but de dégrader les tissus musculaires endommagés puis de les réparer et enfin de les fortifier (le muscle est renforcé au cas où le même type d’effort serait reproduit). Ce processus de réparation des fibres musculaires, qui peut durer de 5 à 7 jours, sensibiliserait fortement les récepteurs sensoriels liés à la douleur.
Bien que la recherche scientifique ait prouvé que ni l’acide lactique, ni la contracture musculaire n’étaient responsables de ce processus, nombreuses sont les communications, articles, sites internet à diffuser encore ces théories. Il en résulte que des traitements qui paraissent peu pertinents continuent d’être pratiqués.
Le massage contre les courbatures ?
Le massage pour soulager les traumatismes musculaires est pratiqué depuis bien longtemps (vers 1200 avant JC, le grec Asclépios aurait fondé le tout premier gymnase au monde en combinant pour la première fois l’exercice physique et le massage). Il reste cependant très controversé dans l’atténuation des courbatures. Certaines études ont clairement démontré qu’il augmentait légèrement la circulation veineuse superficielle mais sans prouver un impact réel sur la diminution durable de la douleur. Or, en 2012, des chercheurs canadiens ont montréque le massage n’était pas dénué d’intérêt thérapeutique. En effet, le massage provoquait d’importants changements métaboliques dans le muscle.
Parmi ces changements, le massage favoriserait l’augmentation du nombre de mitochondries (structures cellulaires impliquées dans la gestion de l’énergie) qui permettrait une meilleure cicatrisation des microlésions musculaires : plus le nombre de mitochondries augmente, plus la « mécanique énergétique » va être efficace et meilleure sera la récupération musculaire. Si l’étude montre qu’un massage de 10 minutes suffit pour modifier le métabolisme, il reste cependant à déterminer la proportion idéale : combien de temps après l’effort ? De quelle manière ? Combien de temps ? Massage profond ou superficiel ?
S’étirer pour éviter les courbatures ?
Le principal objectif des étirements est de relâcher et décontracter les muscles. Compte tenu de ces effets, les étirements font partie intégrante de l’arsenal thérapeutique des sportifs. Mais, contrairement aux idées reçues, les étirements réalisés avant et/ou après l'effort ne préviendraient en aucun cas l’apparition des courbatures ni n’en diminuent les symptômes, bien au contraire !
Tout d’abord, aucune étude n’a démontré que des étirements effectués avant ou après un exercice permettent de prévenir les courbatures (1). De plus, des étirements réalisés juste après un exercice sont susceptibles de créer des courbatures accentuant les microlésions au niveau musculaire. En effet, des chercheurs ont démontré que les douleurs liées aux courbatures étaient plus prononcées lorsque la séance était précédée et/ou suivie d’une session d’étirements (2). Ce résultat démontre que les étirements et les courbatures altèrent les mêmes structures au sein de la fibre musculaire.
Par conséquent, les étirements en fin de séance ne doivent pas être systématiques et il semble raisonnable de ne pas étirer un muscle suite à une séance dont on sait qu’elle entrainera des courbatures. Dans ce cas, vous vous exposeriez à un ralentissement des processus de régénération musculaire mis en œuvre dès les premières heures qui suivent la séance à l'origine de ces traumatismes. Le muscle sera donc dans l’impossibilité de retrouver aussi rapidement que prévu ses capacités maximales (l’impact négatif pouvant aller jusqu’à 7 jours (3)).
Mais alors, pourquoi lorsque l’on s’étire nous avons quand même la sensation que les courbatures diminuent ? Ceci est certainement dû au fait que les étirements provoquent à court terme des effets favorables au relâchement : une diminution de la raideur musculaire et du tonus musculaire. De plus, l'effet antalgique des étirements pourrait également expliquer ce phénomène. Les étirements insensibilisent les récepteurs de la douleur et vous donnent une sensation de bien-être (4).
Le froid, un atout contre les courbatures ?
La cryothérapie, existe depuis l’antiquité, mais n’intéresse les scientifiques que depuis les années 70. Elle repose sur les facultés du froid à réduire le diamètre des vaisseaux sanguins (vasoconstriction) et par conséquent aurait des propriétés antalgiques (diminution de l’excitabilité nerveuse donc soulage la douleur) et anti-inflammatoires. C’est ainsi qu’ont fleuri les sprays de froid, ancêtres des poches de glace. Mais qu’en est-il des courbatures ? De nombreuses études se sont consacrées à la question mais les conclusions diffèrent. Cependant, il semble que pour avoir un effet positif sur les courbatures, le temps d’immersion doit être d’au moins 20 minutes (5) afin que la température corporelle puisse diminuer de manière significative. Pour le reste, aucun consensus ne se dégage : à quel degré doit être fixée la température ? Doit-on laisser le muscle en immersion au repos ? Combien de temps après l’effort ? Quoi qu’il en soit le phénomène est encore largement discuté mais les immersions dans l’eau froide permettent toutefois de lutter contre l’œdème en diminuant le flux sanguin et auraient donc une action antidouleur.
Les antidouleurs, efficaces face aux courbatures ?
Les médicaments qualifiés d’antidouleurs (antalgiques, analgésiques), nommés anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), ne semblent avoir que peu d’effet sur les courbatures, voire même pas d’effet du tout.
De nombreuses études se sont penchées sur leur efficacité et la plupart d’entre elles démontrent que ces substances sont comparables à un placebo, notamment les antidouleurs les plus courants (ibuprofène, paracétamol, aspirine). A contrario, ils réduiraient la croissance musculaire en entravant le processus de réparation des microlésions ! Une étude (6) sur un groupe de lapins a ainsi montré que la prise de Flurbiprofène (un anti-inflammatoire), suite à des exercices induisant des courbatures, rendait les muscles plus faibles (les lapins ayant ingéré le médicament étaient devenus moins forts que ceux qui n’en avaient pas pris).
Comment expliquer alors que les anti-inflammatoires n’aient pas d’incidence sur les douleurs liées aux courbatures, alors qu’il s’agit précisément d’un processus inflammatoire ? C’est un mystère qui reste à résoudre. Toujours est-il que la prise d’AINS est déconseillée en raison de la perturbation possible des mécanismes de reconstruction.
Un décrassage après l'effort ?
Après un effort intense, on vous a très certainement souvent recommandé une récupération active. C’est le fameux « décrassage », qui correspond la plupart du temps à un léger footing. Il est recommandé dans les minutes qui suivent l’effort principal ou le lendemain, l’objectif étant de réduire les courbatures d’une part, et d’améliorer le processus de reconstruction musculaire.
Mais une fois de plus, les études scientifiques (7-9) ne corroborent pas vraiment cela. Une activité physique à très faible impact (vélo par exemple) ou une inactivité complète serait certainement plus appropriée pour éviter les blessures durant les périodes de courbatures, étant donné que les capacités de maintien articulaire que procure le muscle y sont réduites et les articulations sont moins protégées.
Un bon compromis serait peut-être deux jours d’inactivité avant de reprendre une activité légère sans impact sur le système locomoteur. Le but étant d’augmenter légèrement le débit sanguin, ce qui pourrait drainer les toxines musculaires, mais aussi de produire des hormones aux propriétés antalgiques comme les endorphines.
Les autres traitements contre les courbatures ...
L’électrothérapie a ses adeptes mais manque de preuves : elle n’aurait d’effet ni sur la récupération de la force, ni sur la diminution de l’œdème. Quelques études ont montré qu’elle pourrait avoir un effet très temporaire sur la douleur des courbatures en court-circuitant momentanément les influx nerveux. Ainsi, en cas d'apparition de courbatures, les programme "diminution des courbatures" et "antidouleurs" permettent d'activer la circulation sanguine tout en accélérant la production d'endorphines et en diminuant la tension au niveau des fibres musculaires. En cas de douleurs, le programme TENS (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation), se traduisant par "neurostimulation électrique transcutanée" est tout indiqué. Il s'agit d'un programme antalgique, qui vise à soulager une douleur via un courant électrique à faible tension en agissant non pas directement sur les fibres musculaires, mais sur les fibres sensitives. Ce programme va stimuler les fibres au niveau de cette douleur pour l’atténuer. Il ne va donc pas traiter l’origine de la douleur, mais la conséquence.
Diététiques et compléments alimentaires : les diètes (10) spéciales n’auraient pas d’effet particulier sur le phénomène, même s’il est évident qu’une alimentation équilibrée est recommandée dans tous les cas. De nombreuses études ont été menées sur les antioxydants (apport en vitamine C et E). Ils entraveraient la récupération musculaire sans avoir d’effet sur les DOMS (11).
Pour conclure, il est important de ne pas considérer les courbatures comme ne devant jamais apparaitre, elles ne présentent aucun caractère de gravité et ne doivent pas remettre en cause l’activité physique. Au contraire, ces douleurs sont le signe d’un travail au-delà des limites habituelles mais qui va vous aider à progresser. Avoir des courbatures est bon signe, c’est le métier qui rentre !
Une fois l’entrainement terminé, il faut donc laisser le temps au temps, vous ne pouvez pas éliminer les détériorations musculaires (malgré les nombreuses promesses des crèmes et autres pilules miracles). La bonne nouvelle, cependant, c’est que le muscle endommagé reviendra plus fort une fois réparé. La difficulté va être ensuite de programmer l’entraînement en fonction de la cicatrisation des microlésions induites par ce type d’exercice.
La stratégie la plus efficace pour éviter les DOMS reste, selon nous, la prévention : la règle fondamentale est de rester progressif dans le démarrage de toute nouvelle activité physique ou nouveau programme d’entraînement et d’êtrerégulier !!!
Alors n’attendez pas les courbatures et rejoignez la Fit’N Dance Family !
1. Herbert, R.D., & Gabriel, M. (2002). Effects of streching before and after exercising on muscle soreness and risk of injury : systematic review.
2. Lund H, Vestergaard-Poulsen P, Kanstrup IL, Sejrsen P. The effect of passive stretching on delayed onset muscle soreness, and other detrimental effects following eccentric exercise. Scand J Med Sci Sports. 1998;8(4):216-21.
3. Prévost, P. Inconvénients et avantages à la pratique des étirements. www.sciensport.fr, 2005.
4. Shrier I., « Stretching before exercice does not reduce the risk of local muscle injury : a critical review of the clinical and basic science literature », Clin. J Sport Med : 9 (4): 221-7, 1999.
5. HAUSSWIRTH, C. Applications thermiques locales : les différentes modalités d’applications thermiques locales. In Récupération et performance en sport. Paris : INSEP, 2010. P 55-56.
6. MISHRA, DK., FRIDEN, J., SCHMITZ, MC., LIEBER, RL. Anti-inflammatory medication after muscle injury. A treatment resulting in sort-term improvement but subsequent loss muscle function. J Bone joint Surg AM, Volume 77, issue 10, pages 1510-9, 1995, PMID.
7. KIN, M., DUFFIELD, R. (2009). The effect of recovery interventions on consecutive days of intermittent sprint exercise. J Strenght Cond Res 23 : 1795-1802.
8. HEYMAN, E., DEG, B., MERTENS, I., MEUUSEN, R (2009). Effects of your recovery methods on related maximal rock-climbing performance. Med Sci Sports Exerc 41 : 1303-1310.
9. MENZIES, P., MENZIES, C., Mc INTYRE, L., PATERSON, P., WILSON, J. & al. (2010). Blood lactate clearance during active recovery after an intense running bout depends on the intensity of the active recovery. J Sports Sci 28 : 975-982.
10. CLOSE, GL., ASHTON, T., CABLE, T., DORAN, D., NOYES, C., Mc ARDLE, F., Mac LAREN DPM. Effects of dietary carbohydrate on delayed onset muscles soreness and reactive oxygen species after contraction induced muscle damage.
11. Graeme L, Close A, Ashton T, McArdle A, Don P.M. MacLaren. The emerging role of free radicals in delayed onset muscle soreness and contraction-induced muscle injury. Comparative Biochemistry and Physiology. 2005, Vol. A, 142, pp. 257-266.
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